Pratiquées pour des raisons coutumières, voire religieuses en vue de conserver la virginité de la fille jusqu’au mariage. Ces pratiques consistent à faire une ablation totale ou partielle des organes génitaux externes de l’appareil génitale de la femme. Ce rituel est considéré par les sociétés qui l’agréent comme un passage obligé pour l’initiation de la jeune fille au respect des traditions, à sa vie future d’épouse et mère et aux valeurs morales telles que la pudeur et la discipline.
Au Mali, l’excision reste une pratique largement répandue, profondément ancrée dans des normes sociales, religieuses et identitaires. Derrière les chiffres se cachent des corps, des voix et des trajectoires de vie des survivantes qui portent des séquelles physiques et psychologiques, et des militantes qui tentent d’ouvrir un espace de parole et de changement.
Ce que disent les chiffres !
D’après les constats, la pratique se réalise très tôt, souvent avant 5 ans. 99% des filles et des femmes qui font le travail du sexe dans les pays où les mutilations génitales féminines existent, sont excisées. On n’en serait pas là si l’excision avait le pouvoir de « dompter » les femmes. La prévalence actuelle estimée à 89 % des femmes et filles âgées de 15-49 ans auraient subi des MGF au Mali.
Selon le rapport annuel 2023 du Programme conjoint UNFPA-UNICEF pour élimination des mutilations génitales féminines, MGF, les filles âgées de 0 à 14 ans, 34 % ont subi une MGF avant l’âge de 1 an ; 32 % entre 1 et 4 ans ; et 6 % entre 5 et 14 ans.
Ceux qui pensaient qu’exciser une fille la rend pure et à s’abstenir de toute relation sexuelle avant mariage ont compris, au fil du temps, que l’éducation et l’échange entre mère et enfant vaut mieux. A ce jour, personne n’a vu les bienfaits de cette pratique, au contraire, elle entraîne des problèmes qui privent les filles de leurs droits.
Des témoignages des survivantes
Des témoignage des vécus, des douleurs, mais aussi de résistances et d’engagements. Dans un récit publié par l’UNICEF en mars 2024, Aichata, âgée de 20 ans raconte les douleurs et les complications liées à son excision, et comment elle cherche aujourd’hui des soins pour son enfant et pour elle-même. Son témoignage illustre la double peine: traumatisme physique et stigmatisation sociale.
Bintou. D, une jeune fille de 18 ans se rappelle de son excision. Elle brise ce silence en ces termes : « Aujourd’hui, je comprends que c’etait une blessure volée a mon enfance. Mais j’ai appris à transformer cette douleur en force. Je parle pour que d’autres petites filles ne connaissent jamais ce silence-là. »
Elle raconte : « J’ai été excisée à l’âge de 10 ans pendant ma vacance au village.
Je me souviens d’un matin brûlant, du sable, des voix basses. On m’a prise par la main, sans m’expliquer. Il y avait des femmes, des chants, puis le silence. Une douleur que les mots ne peuvent pas contenir.
Ensuite, plus rien, sinon la peur et la honte. Pendant longtemps, j’ai cru que c’était normal, que c’était le prix pour être une “femme pure”. En plus de l’excision j’ai été infibulée. Et pour ce qui est de l’infibulation, certaines exciseuses laissent le sang coagulé après avoir mis un bâton pour permettre les urines de sortir. Quand j’urinais j’avais le bas ventre qui me faisait mal. Il m’arrivait de couper les urines. Ma mère m’administrait des infusions, mais la douleur persistait et était forte… j’ai fait ma jeunesse avec la partie intime fermée…Le jour de mon mariage, une autre violation faite sur moi. Mes tantes m’ont amenées loin de la ville, elles m’ont mis sur terre et ont ensuite déchiré cette peau qui était fermé et je devenais consommé le même jour des rapports sexuels.
Imaginez cette douleur ! on te déchire la peau et tu devrais consommer des rapports sexuels et ce qui devait être un plaisir devient une souffrance.
Je porte en moi des séquelles malgré des soins médicaux. Pour sauver mes enfants, j’ai pris l’engagement ferme que mes filles ne seront jamais excisées. Et, j’ai décidé d’intégrer une ONG qui lutte contre les mutilations génitales féminines. »
Tout comme Bintou, Alima Traoré, âgée d’une quarantaine d’année, mère de 2 enfants sensibilise ses enfants au cours de leur causerie sur les méfaits de l’excision. Elle explique : « J’ai été excisé et je regrette aujourd’hui. Le fait de vous mettre au monde n’a pas été une chose facile pour moi. J’ai subi des douleurs au niveau génital à chaque accouchement et vivre avec les séquelles de la pratique dont l’infection grave. »
Dans leur causerie, elle déconseille avec larme aux yeux ses enfants sur cette pratique néfastes et persistantes. « J’en ai été victime et je ne souhaite pas que vos filles subissent le même sort que moi. »
« L’excision est une tradition d’antan dans notre famille, toutes mes sœurs qui ont été excisé souffrent aujourd’hui dans leur foyer, certaines n’arrivent pas concevoir et d’autres souffrent d’infection grave. », témoigne Aissata Fomba, une militante de lutte contre les MGF dans la région de Ségou.
Autant de mal que bien sur la femme. Tata Mallé nous confie avec amertume qu’à cause de l’excision, elle n’arrive pas à consommer mon mariage. « Aujourd’hui, J’ai mal dans l’intimité avec mon mari que je n’arrive pas à satisfaire au lit. Après huit ans de mariage, je n’arrive pas à donner naissance. »
L’excision a fait beaucoup de victimes au Mali et dans d’autres pays d’Afrique, soulignent beaucoup d’ONG locales et internationales de lutte contre les mutilations génitales féminines.
Kadi Diallo, assistante juridique et animatrice à l’ONG Tagnè. Elle explique :« L’excision traumatise la femme sur tous les plans, santé physique, mentale, psychologique et sur la vie quotidienne de la fille et de la femme avec ces nombreuses conséquences. La meilleure des choses aujourd’hui serait l’adoption d’une loi interdisant l’excision au Mali, ce qui faciliterait beaucoup notre travail et l’épanouissement de la femme.»
Les causes persistantes
Au Mali, l’excision est considérée comme un rite de passage incontournable, surtout dans les zones rurales et semi-urbaines.
Pour beaucoup, « toutes fille doit être excisée », car cela prouverait qu’elle est bien éduquée, « pure » et apte au mariage.
Chez certaines ethnies, Bambara, Soninké, Peul, Dogon…la pratique est liée à l’honneur de la famille et à la reconnaissance communautaire.
Mah Diarra, 45 ans, mère de 5 filles dans la région de Ségou confie: “ Si ma fille n’est pas excisée, on dira qu’elle est impure et aucun homme ne la voudra en mariage.”
Les recherches et rapports mettent en évidence plusieurs facteurs qui entretiennent l’excision au Mali. Parmi, il y a le poids des normes de genre et du contrôle du corps féminin, poids communautaire, l’absence d’un cadre juridique et strict, faibles accès à l’éducation et à l’information faible, la croyance religieuse, souvent mal interprété.
Malgré les efforts menés par les ONG, les autorités et les leaders religieux, l’excision demeure une réalité pour la majorité des filles au Mali. Entre coutumes profondément enracinées et interprétations religieuses erronées, la pratique continue de résister au changement. Pourtant, les témoignages des survivantes et les initiatives locales prouvent qu’un autre avenir est possible : celui où la tradition ne rime plus avec souffrance, et où la pureté d’une femme ne se mesure pas à la douleur de son corps.
Rédaction: Fatoumata Z. COULIBALY


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