La désinformation genrée : quand les femmes deviennent les premières cibles

 La désinformation au Mali représente un défi, en particulier pour les femmes.  Elle se manifeste à travers différentes narrations infondées sur des stéréotypes sexistes, en ce qui concerne la santé, la participation politique et la compétence professionnelle dans la société.

En Afrique précisément au Mali, la désinformation n’est pas seulement un problème de vérité, c’est aussi une question de genre. Dans un contexte où les réseaux sociaux prennent une place grandissante dans la circulation de l’information, les femmes se retrouvent en première ligne d’attaques basées sur des stéréotypes, des fausses accusations.  Des actions qui freinent à leur autonomisation et leur participation au développement du pays.

 « La désinformation genrée est une forme de désinformation qui s’appuie sur des stéréotypes et des préjugés liés aux genres pour porter préjudice à un groupe spécifique notamment les femmes, les minorités, les personnes vivant avec handicap etc. Elle est visible sur les réseaux sociaux. », explique Abdoulaye Guindo, coordinateur de la plateforme Benbere au Mali.

Impact sur la santé : une quête du plaisir volupté et ses conséquences

La désinformation genrée a toujours eu des répercussions négatives sur la santé sexuelle. Elles entravent l’accès à des informations précises et fiables sur la santé sexuelle et reproductive conduisant des femmes à des pratiques dangereuses dans leur intimité.

Dans un billet de blog https://benbere.org/benbereverif/tiktok-terrain-fertile-propagation-informations-erronees-dangereuses-sante-reproductive/ publié le 31 Août 2024  par Niamoye Sangaré sur la plateforme Benbere au Mali, il révèle que la plateforme de communication TikTok est le nid de la désinformation sur la santé sexuelle et reproductive dans le pays. L’article précise que la période de la pandémie de la Covid-19, a été un moment propice pour la diffusion des vidéos erronées proposant des remèdes anti-covid sur le réseau social.

Il ressort de nos recherches avancées que le secteur de la santé est le plus touché par la désinformation, après celui de la politique. Comme nous pouvons constater dans ce podcast  de Benbere.  Selon Mariam Coulibaly, agent de la santé explique que cette tendance est due à des facteurs comme le manque d’information fiable en ligne et l’insuffisante d’intervention des centres de santé sur ces vidéos fausses. Elle précise que : « La désinformation médicale se manifeste par la diffusion des fausses informations sur les vaccins, l’alimentation, les traitements. Elle se propage à toute allure sur les réseaux sociaux et le pire c’est la communication de bouche-à-oreille. Ajouta que c’est un phénomène qui détruit à petit feu les femmes qui croient à ces croyances non vérifiées. »

Tik-tok étant une plateforme fertile pour cette désinformation, certaines utilisatrices font des vlogs pour sensibiliser leur communauté sur le danger de l’utilisation de ces produits sans prescription médicale.

La Tiktokeuse Mariam Dibassy dite Didi, à travers son compte tik-tok lutte contre les informations erronées affectant l’intimitédes femmes. Avec ces petits vlog de sensibilisation, elle déconseille aux femmes de ne pas utiliser les produits non prescrits par un gynécologue ou agent médical dans leur parties intimes.

Hadizatou Touré, une jeune fille universitaire rencontrée pense que la vulnérabilité accrue des femmes augmente la désinformation sur la santé.

 Ces vlogs et articles permettent aux jeunes privés d’informations sur la santé sexuelle et reproductive, de s’éduquer et de déconstruire les mythes liés à la sexualité.

Pour remédier aux problèmes des informations sans sources fiables sur la santé, l’OMS s’est associée à Tik-tok pour promouvoir des contenus fiables sur la santé à travers le réseau Fides de l’OMS en 2020.

Participation politique et son impact

La désinformation genrée a un impact profond et préoccupant sur la participation des femmes à la vie politique. Elle agit comme un frein à l’égalité des genres, à la représentativité démocratique et à l’autonomisation des femmes dans l’espace public.

Dans un article de vérification publié par la plateforme Benbere https://benbere.org/benbereverif/benbereverif-mali-femmes-confrontees-desinformation-genree/, nous pouvons lire cette confidence d’Adiaratou Sanogo, membre du staff de campagne de  Sidibé Aminata Diallo qui fut candidate à l’élection présidentielle malienne de 2007 sur les informations erronées sur la participation des femmes à la vie politique  : « Ce type  de désinformation contribue à orienter le débat des femmes politiques en réduisant leur espace d’expression et d’action. Je me rappelle que lorsque nous étions en campagne avec notre candidate en 2007, les questions en lien avec les fausses informations sur les femmes politiques dominaient les débats, obligeant notre candidate à démentir, à dénoncer, à se justifier. Ce temps passé à se défendre était du temps en moins pour mettre en avant ses idées politiques. »

« La nomination de Mariam Kaïdama Sidibé comme la première femme première ministre au Mali sous le temps de feu le président Amadou Toumani Touré a suscité beaucoup de désinformation genrée sur son incapacité de malheur qu’elle va apporter au pouvoir. Certains religieux dans leur prêche ont distribué la chute du président Amadou Toumani Touré à la nomination d’une femme comme première ministre », a rappellé Abdoulaye Guindo les propos tenus en ce temps.  Au Mali, des gens pensent que les femmes sont incapables d’occupées des postes psychologiquement et intellectuellement.

Ainsi, nous assistons beaucoup à des idées préconçues sur l’incapacité de la femme à gérer certains postes politiques. Des préjugés qui freinent très souvent leur participation à la scène politique.      

Daouda Diarra, un professeur persuadé qu’une femme ne peut pas assurer certaines responsabilités surtout en politique. Il assure qu’il ne nommera jamais une femme à la tête d’un poste qu’elle qu’en soit sa nature.

« L’objectif premier de la désinformation est de réduire au silence les femmes et de les inciter à quitter la sphère politique et l’espace public en général… », pouvant lire dans une publication de Philippine Sottas (2023) sur https://igg-geo.org/?p=13340 sur le site de Institut du Genre en Géopolitique.

Fatimata Diallo, une jeune dame engagée dans la politique à ségou souligne avec mécontentement que les femmes sont ciblées par des rumeurs sur leur moralité, leur apparence physique. « En période électorale, des candidates femmes sont cibles de fausse information sur leur personnalité, des informations visant à les décourager, à discréditer leur engagement dans la sphère politique. »

Des idées non fondées sur les compétences féminines

La désinformation genrée a des aspects négatifs et joue surtout sur les capacités intellectuelles et professionnelles des femmes. Elle impacte la capacité de certaines femmes qui croient en ces informations fausses et tuent en elles leur capacité de pouvoir démontrer leur talent, leur capacité à pouvoir occuper des postes de responsabilités, de décision. Par exemple, les croyances disent que les séries sciences sont faites que pour les hommes et les femmes, lettres. Des idées infondées qui découragent aujourd’hui beaucoup de filles à poursuivre ou à postuler dans les domaines scientifiques ou similaires. Comme nous témoigne Afsatou Traoré, enseignante de son état. Elle est persuadée que les filles ne peuvent pas évoluer dans les domaines scientifiques comme les hommes. Cela, suite à son histoire.

« J’ai tenté le Baccalauréat en série science biologie pendant 6 ans et je n’ai pas pu l’obtenir. Des années plus tard, j’étais obligé d’aller vers la série lettre et la première année, je l’ai obtenu et aujourd’hui, j’évolue dans l’enseignement. Mes amies femmes qui ont tenté sont aujourd’hui dans le chômage et d’autres n’ont pas pu décrocher le baccalauréat. »

Contrairement à elle, Sanata Diarra est une biologiste qui croit à la compétence des femmes dans le secteur de la technologie.

Ces désinformations sur leur manque de compétence affectent leur position de ne plus prendre le devant pour s’exprimer, de s’épanouir à un poste clé. Avec, ce type d’information non-fiable, les personnes vivant avec handicap s’autoexclues, souvent certaines dépriment, parce que cette désinformation leur présente comme des personnes frappées par la malédiction ou des personnes qui apportent la malédiction. Et quant aux personnes vivant avec albinisme, d’autres enfants ont peur de s’approcher d’elles, ces femmes albinos sont marginalisées dans notre société en raison de ces désinformations genrée.

Des initiatives nationales en place

Face à ces défis, des initiatives nationales émergent pour lutter contre la désinformation ciblant les femmes, les personnes vivant avec handicap.

Benbere, l’une des premières plateformes reconnues dans la lutte contre la désinformation au Mali avec sa rubrique « Benbereverif. »  A travers des productions de contenus des articles, vidéos, podcast et débat avec les experts qui déconstruisent ces faux éléments avec des preuves factuelles. « De 2018 à nos jours, nous avons traités plusieurs désinformations. Dans un seul article de désinformation genrée, nous avons eu à traiter 4 types. Notre combat contre la désinformation demeure une de nos priorités afin d’éclairer la lanterne des nos abonnées sur le vrai du faux. »

Search for cammond Ground, est une des ONG internationales qui met en œuvre des projets de lutte contre la désinformation et la résilience communautaire dans les régions du nord et du centre.

La voix de Mopti, la Femme en moi et Saocheck, à travers leur rubrique, Elles Font Fact, sensibilisent les internautes en remettant en question des idées préconçues sur les femmes et les intox genrée en format podcast sur leur plateforme de communication. Autant des plateformes qui démêler le vrai du faux à travers leurs écrits, podcast etc.

Si aucune couche n’est épargnée par la désinformation, il faut savoir que   celles genrées affectent et freinent beaucoup à l’épanouissement des femmes. Avec ses effets dévastateurs. Renforce les stéréotypes sexistes et peut persuader les femmes de participer à la vie publique.

Rédaction: Fatoumata Z. COULIBALY

Cette publication WanaData a été soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth , financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD)

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