Les infections représentent une préoccupation majeure pour les personnes vivant avec un handicap, en particulier celles en situation de mobilité réduite. Les recherches indiquent que ces individus encourent les mêmes risques, voire des risques accrus, d’infections génitales par rapport aux personnes valides.
« Il est normal que vous contractiez une infection vu votre taille… Vous ne vous protégez même pas, vous ne pouvez même pas monter sur le lit pour votre consultation. », voilà le type de commentaires fréquents dans de nombreux centres de santé.
Les préjugés, les humiliations et les mauvais accueils envers les femmes handicapées motrices sont monnaie courante dans de nombreux centres de santé de Ségou. En raison de leurs conditions physiques et de leur mobilité limitée, ces femmes sont particulièrement exposées aux Maladies sexuellement transmissibles (MST). Notre enquête réalisée auprès d’elles a révélé que cette vulnérabilité est principalement attribuable à leur état de santé physique.
« Notre handicap physique nous expose à des préjudices et à des humiliations dans les hôpitaux lorsque nous avons besoin d’informations ou de consultations concernant une maladie liée à l’appareil génital féminin », confie Habi Diarra, une personne en situation de handicap moteur. «Pour ma première grossesse, j’ai contracté une infection urinaire. À chaque fois que j’urinais, je ressentais une forte sensation de brûlure et des démangeaisons. Mon mari, lui aussi handicapé, m’a conseillé de consulter un gynécologue. Je l’ai donc fait, et une fois arrivée au centre de santé, l’agent de santé m’a demandé de m’allonger sur le lit. Vu mon état et ma taille, j’ai demandé son aide, mais il a catégoriquement refusé en affirmant : « Je ne suis pas là pour aider les patients à monter sur les lits », a-t-elle expliqué, les larmes aux yeux. Elle poursuit, la tête baissée, en expliquant qu’elle s’est rendue dans un autre centre de santé communautaire de sa localité pour le même diagnostic. « Dans ce centre, je n’ai reçu que de l’humiliation. Après avoir décrit mes symptômes, le personnel m’a aidé à monter sur le lit de consultation. Dès qu’ils ont vu les petites plaies ou brûlures, la personne m’a dit : « Va m’attendre dehors avant que je termine avec les autres d’abord… », en murmurant : « Je ne peux pas mettre ma main là-dedans.» Habi Diarra dira qu’elle a tellement eu honte qu’elle est partie sans même terminer sa consultation. Une fois à domicile, elle s’est contentée des produits traditionnels pour lutter contre les infections urinaires et les douleurs. « J’ai vécu des mois avec cette infection parce que je n’ai pas pu avoir accès à des soins médicaux modernes en raison de ma morphologie. J’ai souffert des séquelles », nous a-t-elle raconté.
De même, cette jeune fille âgée d’une vingtaine d’années s’est vue refuser le service par un membre du personnel soignant d’un centre communautaire de la ville. « J’avais des pertes blanches et des petits boutons sur ma partie intime. Au centre, après avoir exprimé mon besoin à l’agent, au lieu de me consulter, il m’a dit que je ne suis pas en mesure de payer les frais de l’ordonnance, car les médicaments qu’il va prescrire coûtent cher », affirme Assétou.
Injustice ou ignorance
Une injustice ou ignorance de la loi et du code de la profession ?
Ces femmes motrices se heurtent à une discrimination alors qu’elles sont deux fois plus susceptibles de contracter des infections urinaires et des infections sexuellement transmissibles (IST). Malgré cette réalité, leur condition précaire ne suscite pas suffisamment l’attention et la compassion de certains membres du personnel soignant dans les hôpitaux.
Ami Touré, la quarantaine d’années souffrant de handicap moteur, relate les difficultés qu’elle a rencontrées après avoir contracté une infection. « Après les consultations, il s’est avéré que j’avais une infection urinaire. J’ai suivi les traitements pendant un certain temps, mais aucun résultat positif n’a été obtenu selon mon médecin, en raison de mon état physique, car je suis trop proche du sol. Même lors de la miction, cela posait problème car j’utilise des toilettes collectives. Ne pouvant pas me lever, je suis obligée de m’asseoir sur l’urine d’une autre personne qui pourrait être infectée », a-t-elle expliqué. Elle ajoutera : « J’ai trop souffert à cause de cette maladie. En cette période de chaleur, les personnes comme nous, qui souffrent d’infections, éprouvent beaucoup de difficultés car nous avons du mal à nous lever et il est très difficile pour beaucoup d’entre nous de maintenir une hygiène à 50 %. Cela augmente le risque d’infections urinaires chez nous, les personnes handicapées moteur ».
Préoccupations et risques
Certaines femmes handicapées motrices membres de la Fédération malienne des personnes handicapées, issues du bureau régional de Ségou, interrogées, évoquent leurs préoccupations concernant la contraction et le traitement des infections en général. « Notre mobilité limitée entraîne une contraction rapide des infections et le traitement prend beaucoup de temps. Alors qu’il faut environ un mois pour une personne valide pour guérir, pour nous, femmes motrices, cela prend beaucoup plus de temps. L’air circule péniblement entre nos jambes. Dans la plupart des cas, nous rencontrons d’énormes difficultés concernant notre intimité et notre capacité à procréer en tant que femmes », déclare l’une d’elles, assise en pleurant dans un fauteuil roulant.
Wouri Diallo, spécialiste en santé sexuelle et reproductive à la Direction régionale de la santé de Ségou. Elle explique que les personnes en situation de handicap moteur sont physiquement vulnérables et éprouvent des difficultés à se déplacer. Leur mobilité réduite les expose à diverses maladies transmissibles sexuellement, ce qui les place dans une position de risque élevé, en particulier les femmes, lorsqu’elles contractent une infection urinaire ou une IST. Le manque de circulation d’air pur aggrave encore leurs difficultés. « Dans les centres de santé, nous, le personnel, devons les aider, les assister et les orienter pour répondre à leurs besoins, car elles ont droit à un traitement égal à celui des autres patients. Leurs infections doivent être prises au sérieux, sans aucun dégoût envers elles », indique Wouri Diallo. Elle conclut en mettant en garde contre le fait que si leurs infections persistent et ne sont pas traitées à temps, elles pourraient causer des dommages au niveau de l’appareil génital, entraînant souvent une infertilité chez les femmes.
Rédaction: Fatoumata Z. COULIBALY
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