Récit de Kadidia
Dans cet article, je prête ma plume à Kadidia, Malienne et survivante d’excision. Elle revient sur son passé. Un passé qui ruine chaque jour sa vie conjugale. Son histoire et sa souffrance l’ont conduite à s’engager dans la lutte contre les mutilations génitales féminines.
Âgée d’une trentaine d’années, je fais partie d’une famille conservatrice. L’excision est une tradition chez nous, Bamanan au Mali. Si une fille n’est pas excisée, elle devient la risée du village. Les gens vont jusqu’à la traiter de “Bilakoro-muso”, une manière de dire qu’elle n’est pas une femme accomplie. Ainsi, les filles de notre tribu, dans la région de Ségou, subissent l’excision, sous sa forme la plus grave : mutilation sexuelle féminine par laquelle on empêche les relations sexuelles en suturant ou en passant un anneau à travers les petites lèvres de la vulve.
La pratique est faite sans aucune hygiène, sans soins, sans anesthésie, avec un seul et unique couteau pour toutes les filles.
J’avais huit ans
Je me rappelle du jour où ma grand-mère m’a emmenée chez l’exciseuse. J’avais huit ans alors que les filles de chez nous sont habituellement excisées à l’âge de deux ou trois ans. Le fait de vivre en ville avec ma tante m’a temporairement protégée.
C’est lorsque je suis venue passer les vacances au village que je l’ai subi. Ce jour-là, ma grand-mère m’a réveillé tôt pour l’accompagner chez la vieille du village. Une fois arrivée chez la vieille femme, j’ai pu constater que j’étais la plus âgée parmi les filles présentes sur le lieu. Derrière une case, les femmes emmenaient les petites filles les unes après les autres. J’étais inquiète, j’entendais des cris. Lorsque ma grand-mère m’a emmenée à mon tour, je me suis vue soudainement entre leurs mains. Elles ont maintenu mes deux bras et mes deux jambes au sol pour m’immobiliser, avec l’aide d’une autre personne qui tenait ma tête pour que je ne bouge pas trop. J’ai senti qu’on me coupait en bas, qu’on m’enlevait une partie en moi. J’ai criais de douleur, je baignais dans mon sang qui coulait. J’ai eu ensuite énormément de mal à me relever pour marcher.
Une fois le travail exécuté sur mon appareil génital, la vieille a donné une poudre noire à appliquer sur la partie blessée. Après quelques heures de forte douleur et de pleurs, ma grand-mère et moi sommes rentrées à la maison. J’ai passé les jours suivants avec ma grand-mère, je saignais. Et tout ce qu’elle trouvait à me dire : “Sois forte ! Tu es devenue maintenant une femme pure”.
Des années après mon excision, j’ai commencé à souffrir pendant mes menstruations et j’ai contracté une infection grave.
Je me suis rendue à des consultations gynécologiques. Cette situation m’écœurait : J’étais la seule enfant de mes parents à avoir la chance d’aller en grande ville pour étudier. Hélas ! Les séquelles de l’excision sur moi ont été la cause de l’abandon de mes études, alors que je rêvais d’être étudiante. Cela a été une nouvelle expérience traumatisante.
Chambre de noces
Le jour de mon mariage, j’ai compris que j’étais confrontée à une situation que jusqu’ici j’ignorais. Dans la chambre de noce, je n’ai pas pu faire le premier rapport sexuel avec mon mari. Difficile pour une autre personne de comprendre ma douleur. J’ai mal dans l’intimité avec mon mari que je n’arrive pas à satisfaire au lit. Après huit ans de mariage, je n’arrive pas à lui faire un enfant.
Cri de cœur
Il est temps de mettre fin à la pratique de l’excision. Jusqu’à ce jour, aucun bénéfice n’a été déclaré sur le côté sanitaire, au contraire, cette pratique crée de graves complications physiques et des souffrances psychologiques sur les femmes. Le bénéfice (si on peut appeler cela comme ça…) est uniquement sociétal, l’excision ne répond pas à une exigence sanitaire mais à une exigence de la communauté et de la société. La première des conséquences de l’excision, c’est l’hémorragie.
Je veux lancer un appel pour instaurer le vote et la mise en application d’une loi interdisant cette pratique pour le respect des droits humains. Je voudrais que le Mali mette en place une politique nationale de lutte contre toutes les pratiques traditionnelles néfastes et non nécessaires. On estime que 91 % des femmes maliennes de 15 à 49 ans sont victimes d’excision (selon l’enquête démographique et de santé au Mali réalisée en 2013).
À celles qui la pratiquent, qu’elles sachent qu’elles portent atteinte à la vie humaine et que l’excision peut causer l’infertilité chez la femme.
Rédigé par: Fatoumata Z. COULIBALY
Photo crédit : Iwaria
Pas encore de réponses