Dans le combat contre la désinformation, les femmes sont souvent en première ligne et les premières visées. Journalistes, militantes, candidates ou simples citoyennes, elles subissent un flux constant de rumeurs, d’insultes et de manipulations en ligne. Mais face à cette vague, certaines choisissent de résister. D’autres, de riposter. Car si la désinformation sexiste s’appuie sur la peur et le silence, la réponse doit être collective, coordonnée et visible.

Comprendre pour mieux se défendre
Selon le rapport The Chilling de l’UNESCO et de l’ICFJ (2022) :
73 % des femmes journalistes ont subi des attaques en ligne,
20 % ont reçu des menaces physiques ou sexuelles,
25 % déclarent que ces violences ont un impact durable sur leur santé mentale.
Ces attaques ne visent pas seulement la réputation : elles cherchent à exclure les femmes de l’espace public numérique.
Mais il existe aujourd’hui des outils, des communautés et des pratiques capables de réduire ces risques.
Stratégies individuelles : se protéger sans se taire
1. Sécuriser ses outils numériques
- Activer la double authentification sur tous les comptes.
- Surveiller les permissions (géolocalisation, caméras, micro).
- Utiliser un gestionnaire de mots de passe fiable (Bitwarden, 1Password).
- Sauvegarder régulièrement ses contenus et ses contacts professionnels.
Ressource utile : Digital Safety Toolkit for Women Journalists — ICFJ (2023)
2. Contrer les attaques informationnelles
- Signaler systématiquement les contenus diffamatoires sur Facebook, X (Twitter), TikTok.
- Faire des captures d’écran avec date et lien pour constituer des preuves.
- Ne pas répondre seule : alerter des associations spécialisées comme WILDAF, Paradigm Initiative ou Digital Safe Sisters.
- Bloquer et restreindre les comptes malveillants.
Selon le Reuters Institute (2023), les femmes journalistes ayant accès à un réseau de soutien numérique sont 45 % moins susceptibles d’interrompre leurs publications après une attaque.
3. Gérer le stress et l’impact psychologique
- Parler à des pairs ou à un professionnel de santé mentale.
- Ne pas minimiser le choc émotionnel : le cyberharcèlement est une violence réelle.
- Participer à des groupes de soutien ou de parole (ex : Women in Media Initiative, Digital Rights Hub).
UNESCO 2023 : 3 femmes journalistes sur 10 disent avoir ressenti un stress post-traumatique après des vagues d’attaques coordonnées.
Actions collectives : bâtir des solidarités
1. Créer des réseaux d’entraide féminins
Des collectifs comme WanaData (Code for Africa) forment et accompagnent les femmes journalistes sur le fact-checking, les données et la sécurité numérique.
Ces espaces permettent de mutualiser les outils et de rendre visibles les solutions.
« La solidarité numérique est une forme d’autodéfense collective », affirme Juliet Nanfuka, de CIPESA, une organisation africaine pour les droits numériques.
2. Renforcer les lois et les mécanismes de signalement
- Le Conseil de l’Europe (2023) appelle à la reconnaissance du cyberharcèlement sexiste comme crime aggravé.
- L’Union africaine (2022) a publié une stratégie sur la cybersécurité et la protection des données personnelles, incluant la dimension genre.
- Au Mali, la HAC et le ministère de la Communication travaillent sur des lignes directrices pour encadrer les contenus haineux en ligne.
OCDE (2023) : seuls 26 % des pays africains disposent de lois spécifiques contre les violences numériques sexistes.
3. Impliquer les plateformes et les rédactions
Les médias peuvent jouer un rôle essentiel :
- En adoptant des chartes internes de protection des femmes journalistes ;
- En formant les modérateurs et les community managers à reconnaître la désinformation sexiste ;
- En mettant en avant les voix féminines dans les débats publics.
ONU Femmes (2023) souligne que les plateformes sociales devraient être tenues de publier des rapports de transparence sur le traitement des signalements liés au genre.
Ressources pour agir
Guides et outils
- UNESCO & ICFJ — The Chilling (2022)
- ICFJ — Digital Safety Toolkit for Women Journalists (2023)
- Access Now — Digital Security Helpline
- Paradigm Initiative — Digital Rights and Inclusion Report (2023)
Réseaux et associations
- WanaData (Code for Africa)
- WILDAF-Mali — Réseau pour les droits des femmes et la justice
- Digital Safe Sisters (Afrique de l’Ouest)
- Media Foundation for West Africa (MFWA)
Soutien et accompagnement
- Amnesty International — SOS Harcèlement Numérique
- Reporters Sans Frontières — Protection des journalistes en ligne
- ONU Femmes Afrique de l’Ouest — Programme “Voix et leadership des femmes”
La désinformation sexiste est une arme de domination, mais elle n’est pas invincible.
Chaque partage vérifié, chaque parole solidaire, chaque action collective contribue à restaurer la confiance et à rendre visibles les voix que la peur voulait faire taire.
Résister, c’est déjà exister.
Riposter, c’est construire un espace numérique où la vérité et la dignité ne sont plus négociables.
Rédaction: Anta Maïga
Cette publication WanaData a été soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth, financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD).


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