
Source: pinteret
Au Burkina Faso, une femme dirige la transition numérique. Docteur Aminata Zerbo/Sabane est depuis 2022 ministre de la Transition Numérique, des Postes et des Communications Électroniques . Docteur et enseignante en informatique, elle incarne une forme de réussite rare sur le continent. Pourtant, derrière ce symbole, les chiffres et les observations de terrain révèlent une réalité bien plus contrastée : les femmes restent très largement sous-représentées dans les instances qui décident réellement de l’avenir de l’Internet burkinabè.
Mais d’abord, c’est quoi la gouvernance de l’internet ?
Selon l’ UNESCO , la gouvernance de l’Internet est le développement et l’application complémentaires par les gouvernements, le secteur privé, la société civile et la communauté technique, dans le cadre de leurs rôles respectifs, de principes, normes, règles, procédures de prise de décisions et activités partagées qui façonnent l’évolution et l’utilisation de l’Internet.
En d’autres termes, la gouvernance de l’internet c’est l’ensemble des règles, des décisions des mesures politiques adoptées par des acteurs ( les Etats, les secteurs privés, la société civile, la communauté technique ) afin de garantir l’évolution et la meilleure utilisation d’internet.
Un accès déjà inégal à internet (les médias sociaux)
Avant même de parler de gouvernance, il faut rappeler l’écart d’accès.
Ce fossé numérique de 37,7 points constitue la première barrière à toute participation significative des femmes aux débats et aux décisions sur l’internet.
À l’échelle continentale, le constat n’est guère plus encourageant : lors du Forum sur la gouvernance de l’Internet (IGF 2022) à Addis-Abeba , Mactar Seck , chargé des affaires économiques à la Commission économique pour l’Afrique, rappelait que « seulement 12 % des femmes opèrent actuellement dans le secteur des TIC. Il existe un fossé numérique important sur le continent, les femmes représentent 51 % de la population , mais seulement 20 % ont accès à Internet.
Toujours dans son propos : “Plusieurs études ont montré que si nous pouvons résoudre les inégalités entre les hommes et les femmes, nous pouvons contribuer 3 millions de dollars au PIB mondial.”
Les femmes ont donc un impact significatif dans la contribution au développement.
Le Forum national FGI Burkina 2025 : un miroir visible
La 12ᵉ édition du Forum national sur la Gouvernance de l’Internet (FGI Burkina), tenue les 19 et 20 novembre 2025 à Ouagadougou sous le thème « Construire un avenir numérique résilient et inclusif », a réuni plus de 40 jeunes stagiaires de l’école de gouvernance (EGI 2025) et une trentaine d’invités membres, des autorités de régulation, des secteurs privés, la société civile et technique. Une analyse visuelle rapide des photos officielles et des listes de présence montre une proportion de femmes assez faible parmi les intervenants et les participants identifiés. Dans les ateliers techniques (gestion du spectre, cybersécurité, noms de domaine), la présence féminine tombe parfois à zéro.

La « Vénus de Milo » de la gouvernance numérique
Le paradoxe est frappant :
- Au sommet politique, une femme ministre compétente et légitime.
- Dans les organes techniques et régulateurs, une opacité presque totale sur la parité.
Ni l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) ni l’ABDI (Agence burkinabè de développement de l’infrastructure numérique) ne publient de données ventilées par sexe sur la composition de leurs conseils ou directions techniques. Cette absence de transparence empêche toute évaluation précise, mais les rares informations disponibles (rapports annuels, organigrammes partiels) laissent apparaître une écrasante majorité masculine aux postes d’ingénieurs, de directeurs techniques et de décideurs opérationnels.
Résultat : la ministre, même volontaire, dirige une pyramide dont les « bras exécutants » restent majoritairement masculins. Les normes techniques, l’attribution des fréquences, les sanctions contre les opérateurs ou les orientations stratégiques sur les points d’échange Internet (IXP) continuent d’être pensées et décidées dans des cercles presque exclusivement masculins.
Les signaux positifs existent !
Quelques initiatives tentent de renverser la tendance :
- Le programme de la GIZ « Leadership féminin dans les collectivités territoriales » forme des élues locales et des points focaux genre.
- Des associations comme l’ISOC Burkina ou l’Association des blogueuses du Burkina multiplient les formations et les plaidoyers.
- La nomination successive de deux femmes (Hadja Ouattara/Sanon puis Aminata Zerbo/Sabane) à la tête du département chargé du numérique reste un signal politique fort.
- Des associations de femmes dans le numérique se multiplient ( Digit-Elle , Femme TIC BF , Women in Tech Burkina , Women Tech Makers Ouagadougou , Women in Cybersecurity chapitre Burkina Faso , etc.).
- Des initiatives d’éducation numérique et d’inclusion des femmes éclairent l’écosystème numérique burkinabè, telles que l’initiative Cyber Educ BF .
- Des figures de leader féminine de plus en plus visibles dans les sphères décisionnelles telles que la CIL par la nomination de Docteur Halguièta Nassa/Trawina au Conseil des ministres le 7 juin 2023 qui succède à Mme Marguerite Ouédraogo/Bonané qui occupait ce poste depuis 2012.
Mais ces efforts peinent à percer profondément jusqu’aux instances techniques et régulatrices, là où se joue réellement la gouvernance quotidienne de l’Internet.
De la vitrine à la substance
Avoir une femme ministre du Numérique est une grande fierté et un honneur pour le Burkina Faso. Mais tant que les conseils techniques, les directions d’agences et les comités d’experts resteront des bastions masculins, l’inclusion restera symbolique..
Pour que la gouvernance de l’Internet devienne réellement paritaire, il faudra :
-Instaurer des objectifs chiffrés de parité dans les nominations;
-Publier systématiquement les données générées sur la composition des organes techniques (ARCEP, ABDI, comités techniques, etc.)
-Multiplier massivement les formations techniques longues (ingénierie réseau, cybersécurité, politique publique numérique) destinées aux jeunes femmes.
Sans ces mesures concrètes, la question « où sont les femmes ? » continue de recevoir la même réponse : elles sont là ! mais seulement tout en haut, et souvent sans les soutiens-gorge nécessaires pour agir.
Sources
La place de la femme en Afrique : le cas du Burkina Faso — Afrika Tiss
Burkina : Aminata Zerbo/Sabané reste à la tête du ministère de la Transition numérique | AIB .
https://lefaso.net/spip.php?article120263
Ouagadougou : Les femmes de la tech tracent un nouveau chemin
Rédaction: Balkiss OUEDRAOGO
Cette publication WanaData a été soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth, financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD).

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