En Afrique, il suffit d’une publication d’une femme fière d’exprimer combien de fois elle est heureuse et arrive à bien entretenir son enfant même sans être avec le père de son enfant pour transformer celà en un discours sur les réseaux sociaux. Une simple publication comme une photo avec son enfant qui exprime combien de fois elle est épanouie, un message de joie, un partage d’espoir peut se transformer en une scène d’accusation, de mépris ou de moquerie. Pour les mères célibataires, ce risque est devenu presque quotidien.

Ce phénomène s’est installé silencieusement comme une ombre qui grandit. Sur les réseaux sociaux, la stigmatisation à l’égard des femmes élevant seules leurs enfants a pris une ampleur inquiétante : commentaires dégradants, insinuations blessantes, montages humiliants, diffusion de rumeurs, les hommes qui s’acharnent sur ces femmes exprimant qu’elles ne sont pas soumises et qu’elles sont entrain d’encourager celles qui sont soumises à leurs maris malgré leurs humiliations à quitter leurs relations toxiques. Le numérique, qui aurait pu être un espace de soutien et de solidarité, devient parfois un tribunal où chacun se croit autorisé à juger les autres. Pourtant, peu en parlent…
Peu dénoncent la violence qui se cache derrière ces mots jetés à la hâte. Très peu mesurent l’impact psychologique que ces violences peuvent exercer sur les femmes concernées : honte de s’afficher désormais, perte d’estime de soi, peur de s’exprimer en ligne, parfois même retrait social et même une dépression psychologique.
Ces femmes, déjà confrontées à des problèmes socio-économiques doivent en plus affronter une violence silencieuse, dématérialisée mais profondément destructrice. Aussi bien invisible que cette stigmatisation numérique soit aux yeux du plus grand nombre, elle est devenue l’un des types modernes de la violence basée sur le genre en Afrique. Elle touche l’intimité, brise le moral et étouffe la voix de milliers de femmes qui n’osent plus partager leurs expériences encore moins leurs conseils de peur de devenir la cible suivante.
J’écris aujourd’hui cet article pour créer un espace qui sensibilise les hommes comme les femmes sur la gravité que cause ce phénomène, pour alerter le côté humain des uns et des autres et écouter ce que vivent celles qui se battent chaque jour pour exister sans être jugées.
Comprendre la stigmatisation numérique des mères célibataires : sources et manifestations
Avant l’exposition de cette discrimination sur les réseaux sociaux, le jugement sur les mères célibataires se murmurait dans l’entourage, dans les conversations puisque la majeure partie des cultures endogènes en Afrique recommandent vivement que les femmes se soumettent à tout venant de leurs maris: Celà fait référence à combien de fois les anciennes générations ont été maltraitées dans leurs foyers sans jamais partir puisqu’elles ont peur de la stigmatisation, de ce que penseront les gens, des propos malveillants qui se raconteront sur elles sans connaître les faits réels de leurs divorces. Aujourd’hui, ces murmures ont pris une autre forme : ils se sont transformés en commentaires, en partages qui circulent à toute vitesse avec des faux comptes que beaucoup créent pour cacher leurs identités afin de bien déverser leurs haines. Mais celà existait depuis longtemps, mon enquête sur le terrain en interrogeant aléatoirement 15 femmes de la commune d’Abomey-Calavi (Bénin) m’a permis d’en savoir plus. Par exemple le cas de Mariam qu’elle m’a racontée: Un soir, elle poste une simple photo toute souriante tenant son fils dans les bras. Un moment doux, authentique, qu’elle voulait garder comme un souvenir en ajoutant comme légende “Femme battante”. En quelques heures, la photo devient autre chose qu’un souvenir : un terrain de jugement.
Des inconnus lui écrivent :
– « Voilà pourquoi tu es seule… »
– « Ton enfant mérite un vrai foyer. »
– « Les femmes insoumises. »
Ce qui arrive à Mariam n’est pas un accident. C’est un mécanisme qui dépasse sa propre histoire. Elle se confie en disant qu’elle est abattue moralement et donc obligée désormais d’être discrète sur les réseaux sociaux pour éviter toute cette haine.
Le poids des anciennes cultures qui persistent en discrétion
Depuis des générations, une mère « seule » n’est pas toujours vue comme une femme courageuse qui se bat en rejetant l’humiliation de leurs maris mais comme une femme qui a « échoué » à rentrer dans le moule.
Ces idées, profondément gravées dans certaines sociétés africaines, se déplacent aujourd’hui vers les réseaux sociaux sans perdre de leur force.
Elles se glissent dans les commentaires, dans les blagues, dans les insinuations. Et le pire, c’est que beaucoup pensent encore que c’est normal. Pour beaucoup d’hommes ayant fait ces genres de victimes, c’est un moyen de règlement de compte.
L’écran qui transforme les gens en juges
L’internet est une source de rassemblements des inconnus, la plupart des temps on a aucune idée des gens qui nous suivent encore moins de ceux que nous suivons. Derrière les pseudos qui paraissent presque anonymes, certains se sentent pour dégager leur haine contre les mères célibataires sans même chercher la cause de l’histoire. Ils commentent les publications sans aucune tolérance ni empathie. C’est ainsi que des mères, déjà éprouvées la vie deviennent la cible de personnes qui, en connaissant ce qui s’est passé dans leur histoire, n’auraient jamais osé leur adresser un regard malveillant dans la vraie vie. L’écran devient alors un bouclier qui déshumanise. Alors la violence « juste un commentaire » ou « une publication »

La désinformation qui crée des histoires sur mesure
Il suffit d’un détail (une tenue ou une photo postée avec une légende de soulagement) pour que les réseaux sociaux s’enflamment avec une fausse histoire mais qui se répand vite pour en faire tout un débat de haine contre les mères célibataires. Une rumeur peut naître d’un montage ridicule ou d’un texte inventé juste pour atteindre leur cible. Elle peut devenir virale, atteindre des centaines de personnes, parfois même la famille ou l’entourage. Les mères célibataires deviennent alors des personnages d’un récit qu’elles n’ont jamais écrit.
Les formes de harcèlement et de violences numériques
Sur les réseaux sociaux, la violence envers les mères célibataires prend souvent la forme d’un murmure collectif qui prend beaucoup d’ampleur jusqu’à devenir un orage. Tout commence par un commentaire anodin sous une photo, une petite phrase lâchée comme une plaisanterie mais qui porte en elle le poids de tout un héritage de jugements. Ensuite viennent les moqueries, les insultes déguisées en “conseils”, les attaques sur leur moralité, leur capacité à élever un enfant, leur insoumission à tout type d’homme aussi violent que soit ce dernier. Dans certains groupes en ligne, la simple mention de mère célibataire déclenche une vague de suppositions :
- Elle a dû faire quelque chose;
- Elle n’a pas su garder un foyer;
- Elle veut attirer la pitié
On partage des captures d’écran de leurs publications, on détourne leurs photos, on lance des rumeurs pour amuser la galerie. Ce harcèlement s’installe parfois sans que la victime comprenne comment elle est devenue la cible d’un tribunal numérique. Mais la violence ne s’arrête pas aux mots visibles. Elle se glisse aussi dans des messages privés où on les infantilise, on les culpabilise parfois on les menace. Certaines femmes voient leurs images circuler sans leur consentement, parfois sorties de leur contexte, accompagnées de situations de vie inventées juste pour les anéantir moralement. C’est la désinformation rapide et virale qui s’ajoute à la stigmatisation. Une rumeur inventée un soir peut devenir dès le lendemain, “une vérité” qui court dans plusieurs groupes WhatsApp ou pages Facebook. Et pendant que les gens rient, commentent et partagent ce genre de publication, une femme quelque part regarde son téléphone avec les mains qui tremblent, des larmes aux yeux se demandant comment défendre son histoire face à une foule invisible qui a déjà décidé de l’atteindre psychologiquement.
Impact psychologique et social sur les mères célibataires
La violence numérique ne laisse aucune trace visible, et c’est justement ce qui la rend si dangereuse. Derrière l’écran de leur téléphone, beaucoup de mères célibataires africaines se retrouvent seules face à une tempête silencieuse : attaques répétées, rumeurs humiliantes, sarcasmes dans les commentaires. Petit à petit, ces mots piqués d’ironie ou de haine creusent en elles un vide que personne ne soupçonne. Certaines développent une anxiété constante, toujours sur leurs gardes, craignant qu’un nouveau message toxique surgisse à n’importe quelle heure. D’autres finissent par croire, même inconsciemment, aux insultes qu’on leur attribue : “irresponsable”, “immorale”, “mauvaise mère”. Ce harcèlement continue bien après que le téléphone est posé, collé à la peau comme une ombre qui suit partout.
Sur le plan social, les conséquences sont tout aussi profondes. Beaucoup de mères choisissent de disparaître des réseaux effaçant des photos et publications dans l’espoir de retrouver un peu de paix. Elles se replient sur elles-mêmes, évitent de se confier, par crainte d’être jugées ou ridiculisées publiquement. Certaines hésitent même à participer à des communautés pourtant bienveillantes, convaincues qu’elles n’y ont pas leur place. Et dans ce silence, un autre phénomène s’installe : la culpabilité. Culpabilité d’exposer leurs enfants, culpabilité d’exister en ligne, culpabilité d’être simplement mères dans un monde numérique qui, trop souvent, ne leur pardonne rien. Ce retrait progressif n’est pas seulement une perte individuelle ; il prive l’espace numérique de voix courageuses, de récits authentiques et contribue à renforcer encore la stigmatisation.
Sensibilisation contre ce phénomène : plaidoyer contre la stigmatisation numérique des mères célibataire
La stigmatisation et la violence numérique envers les mères célibataires constituent aujourd’hui l’une des formes les plus silencieuses mais les plus destructrices de Violences Basées sur le Genre en Afrique. Sur les réseaux sociaux, un simple sourire partagé avec son enfant, une phrase de gratitude ou de courage d’une mère célibataire peut se transformer en un jugement, en moqueries et en rumeurs blessantes. Ce phénomène qui domine dans des normes culturelles anciennes qui continuent de culpabiliser la femme lorsqu’un foyer se brise s’est amplifié derrière la façade trompeuse de l’anonymat numérique. Chaque commentaire dégradant, chaque insinuation sur leur moralité, chaque montage humiliant ou fausse histoire diffusée devient une arme invisible qui fragilise l’estime de soi de ces femmes et les pousse parfois au silence, à la honte, à la dépression ou même au sucide. Alors que derrière chaque publication se trouve une femme qui se bat chaque jour pour élever son enfant seul avec dignité, courage et amour. Sensibiliser sur cette violence, c’est reconnaître la souffrance qu’elle engendre dans la vie de ces mères. Ensemble dénonçer les comportements qui la nourrissent et rappelons que les réseaux sociaux devraient être des espaces de soutien de toutes sortes mais pas des tribunaux publics. Élever la voix contre ces injustices, c’est protéger les mères célibataires mais aussi défendre une humanité que le numérique ne devrait jamais effacer.
Rédaction : Sêgnimaké Tatiana Carine MINABA
Cette publication WanaData a été soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth , financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD)


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