En Afrique de l’Ouest, les violences faites aux femmes freinent leur indépendance financière et leur contribution au développement. Au Mali, la situation reste alarmante malgré les efforts entrepris.
L’autonomisation économique des femmes est importante pour le développement de l’Afrique de l’Ouest. Pourtant, malgré les avancées, beaucoup de défis restent à surmonter. L’un des plus grands obstacles ? La violence contre les femmes. Cette violence, sous toutes ses formes, freine les opportunités économiques pour les femmes. Cet article explore comment la violence contre les femmes constitue un frein significatif à l’autonomisation économique et examine les solutions pour surmonter cet obstacle.
Qu’est-ce que l’Autonomisation Économique des Femmes ?

L’autonomisation économique signifie que les femmes ont la capacité d’accéder aux ressources (revenus, emplois, services financiers), de faire des choix économiques indépendants, de participer aux décisions économiques familiales et publiques, et d’avoir une protection juridique et sociale qui sécurise leurs revenus.
Elle inclut la formation, l’accès au crédit, la propriété foncière, la protection au travail et la liberté de se déplacer et de travailler sans crainte de violence ou de représailles.
Autrement dit, il ne s’agit pas seulement de « travailler », mais de pouvoir être actrice dans la sphère économique, avec des choix, des droits et des protections.
Selon ONU Femmes 2023, dans la sous-région ouest-africaine, les femmes représentent plus de 60 % de la main-d’œuvre informelle, mais très peu d’entre elles disposent d’un revenu stable, d’une protection sociale ou d’un accès au financement formel.
Les violences contre les Femmes : un obstacle majeur
Les femmes ouest-africaines continuent de se battre contre un ennemi silencieux : la violence, frein majeur à leur émancipation économique.
Les violences contre les femmes ne sont pas seulement une atteinte aux droits humains, mais aussi un obstacle économique majeur.
Selon le rapport de 2024 de l’ONU Femmes, une femme sur trois en Afrique de l’Ouest a subi des violences physiques ou sexuelles. Ces abus ont un coût économique majeur, représentant jusqu’à 3,7 % du produit intérieur brut (PIB) dans certains pays.
Le rapport de l’UNFPA, Décembre 2024, indique une augmentation de 217 % des violations enregistrées contre les femmes et filles de janvier à septembre 2024, par rapport à 2023.
- 58 % des personnes déplacées internes dans le pays sont des femmes, exposées à des abus sexuels et à la perte de leurs moyens de subsistance.
- Le taux de mutilation génitale féminine reste très élevé : 73 % des filles de moins de 14 ans ont subi l’excision, l’UNICEF, 2023
- Plus de la moitié (53,7 %) des femmes âgées de 20-24 ans ont été mariées avant 18 ans.
Ces violences privent les femmes d’éducation, de santé, de liberté de mouvement et d’accès au marché du travail.
Elles les enferment dans un cycle de dépendance économique qui les rend encore plus vulnérables.
Une étude conjointe de la Banque mondiale et de l’Institut national de la statistique du Mali montre que les femmes ont en moyenne 35 % de chances en moins que les hommes d’accéder à un emploi rémunéré, et seulement 17 % d’entre elles possèdent un compte bancaire formel.
Selon l’ONU Femmes (2024), la Banque mondiale estime que la perte économique due aux VBG représente jusqu’à 3,7 % du PIB dans certains pays africains, soit davantage que les dépenses publiques en éducation primaire.
Les femmes de 15-49 ans passent en moyenne 22,1 % de leur temps à des soins non rémunérés et travaux domestiques, contre 1,7 % pour les hommes.
Comment la violence affecte l’autonomisation économique ?
La violence contre les femmes a des effets dévastateurs sur leur capacité à réussir économiquement.
Une étude a montré que les femmes victimes de violence sont 50 % moins susceptibles de participer à des activités économiques que celles qui ne sont pas victimes de violence.
A noter que ces violences impactent sur leur émancipation économiquement :
- Perte de revenus et d’emploi : les femmes victimes subissent plus d’absentéisme, de baisse de productivité, de pertes d’emploi et d’opportunités manquées
- Coûts médicaux et psychologiques : soins, réadaptation et traumatisme psychologique réduisent la capacité de travailler et d’investir dans un projet économique. À l’échelle macro-économique, la VBG pèse sur la croissance. Des analyses estiment que les violences basées sur le genre entraînent des pertes économiques mesurables.
- Isolement social et contrôle économique : dans des contextes d’abus, les partenaires ou la famille peuvent contrôler l’accès de la femme à l’argent, aux papiers d’identité, au téléphone rendant toute activité économique autonome très difficile.
- Barrières à l’accès au crédit et aux marchés : les institutions financières hésitent parfois à prêter aux femmes sans garanties. Des garanties que les femmes violentées ne peuvent pas fournir parce qu’elles n’ont pas la pleine maîtrise de leurs biens.
Témoignages et Études de cas
Des témoignages de femmes ayant surmonté les violences montrent qu’il est possible de transformer les dynamiques, même dans des contextes difficiles. C’est le cas de Fatoumata Diarra, entrepreneure
malienne, qui a réussi à lancer une entreprise florissante de produits artisanaux malgré les abus qu’elle avait subis. Grâce au soutien d’organisations locales et internationales, elle a pu accéder à des formations et à des financements, prouvant que résilience et accompagnement peuvent ouvrir la voie à l’émancipation économique des femmes.
Par ailleurs, des initiatives telles que celles de Women for Women International démontrent l’efficacité des programmes qui combinent soutien économique et assistance psychosociale. Ces projets offrent aux femmes victimes de violences la possibilité de reconstruire leur vie, d’acquérir de nouvelles compétences et de développer leurs propres activités, contribuant ainsi à leur indépendance et à leur empowerment.
Initiatives et solutions
Pour aborder le problème de la violence contre les femmes et soutenir leur autonomisation économique, plusieurs initiatives et solutions peuvent être mises en place :
Intégrer systématiquement la dimension VBG dans les programmes d’autonomisation économique : formation, accès au crédit, accompagnement psychosocial, sécurisation juridique
Accès au financement adapté : produits financiers tenant compte des contraintes des femmes (prêts sans garanties traditionnelles, groupements d’épargne, micro-assurance) facilitent le démarrage et la pérennisation de leurs activités
Renforcer les lois et l’application des lois contre la violence, et veiller à ce que les femmes aient accès à des recours, à l’assistance juridique et médicale
Changement des normes sociales : interventions auprès des hommes et leaders locaux pour déconstruire la normalisation de la VBG.
Créer des réseaux de soutien pour les femmes entrepreneures victimes de violence, afin de renforcer leur résilience et permettre la continuité de leurs activités.
En Afrique de l’Ouest, l’autonomisation économique des femmes reste un objectif essentiel mais fragile.
Les données montrent à la fois la prévalence des violences et leur coût économique, ce qui renforce l’argument selon lequel investir dans la protection des femmes contre la violence n’est pas seulement une question de droits humains, mais aussi une condition indispensable pour le développement économique durable.
Rédaction : Fatoumata Z. COULIBALY
Cette publication WanaData a été soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth , financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD)


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