« Sarah et ses trente jours manqués : à cause des menstrues, elle rate l’école »
Un jour normal, enfin, presque. Elle ne se lève pas. Sarah a quatorze ans. Ce jour-là, pareil aux autres depuis plusieurs semaines, elle ne quitte pas son lit. Ni trousse, ni cartable, ni de bonne humeur. À la maison, la lumière entre peu à peu, sauf que pour elle, tout démarre avec une gêne connue : ses menstruations. Elle sait ce que c’est, ces maux, cette gêne, l’angoisse de ce que pensent les gens, tout ce qu’on tait. Maintenant, elle reste chez elle au lieu d’y aller.
Ce que plusieurs décrivent comme une phase normale de l’adolescence, pour Sarah devient un obstacle. Un blocage qui revient sans bruit chaque mois, régulier et dur. Derrière ce rejet, il y a un fait : pour plein de jeunes au sud du Sahara, les premières règles veulent dire absence à l’école, gêne, sortie anticipée des classes.

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Quand les menstruations gênent l’école…
Dans plein de pays d’Afrique, ne pas avoir de serviettes, des fringues propres ou des chiottes en bon état rend difficile l’école pour les filles. (Groupe Akpeleau)
Dans pas mal d’écoles en Afrique subsaharienne, une fille sur dix reste chez elle quand elle a ses règles. (Observatoire européen de la Diversité)
Ce manque fréquent peut aller jusqu’à perdre 1 ouvrier sur 5 pendant l’année scolaire. (CPDEFM)
Pour Sarah, ces nombres n’ont rien d’étrange. Ce sont des matins sans école, une leçon ratée, un travail en retard, un fou rire entre copains qui passe à côté. Pas à pas, les absences s’enchaînent, les trous se creusent, la motivation baisse.
La peur, souvent, empêche d’en parler. Ensuite vient la gêne, celle qu’on cache. Rien ne circule parce que tout reste bloqué. Mais le souci va au-delà du manque de protection. Dans plusieurs endroits, ces questions sont évitées. Les gens n’en discutent presque jamais, pire encore, personne ne transmet rien.


Un peu moins de 30 % des écoles disposent de bacs à déchets dans les sanitaires pour jeter les serviettes usagées. Dans la région subsaharienne, cette proportion chute jusqu’à 11 %. (UNICEF)
Dans plein d’écoles, on trouve rarement des protections périodiques données gratuitement ou à petit prix. (UNICEF)
Ce qui fait que plein de filles prennent des chiffons vieux, des bouts de fringues, ou zéro protection avec toujours en tête l’idée qu’ça pourrait couler, que quelqu’un voie, qu’on se moque. Plusieurs ne boivent pas du tout pendant des heures juste pour aller aux chiottes.
Beaucoup sèchent l’école, tant elles ont peur d’être ridiculisées.

Jeunes filles en situation de précarité
Les effets qu’on ne voit pas ailleurs que dans les classes…
L’instabilité pendant les règles va bien au-delà des absences. Sur le long terme, ça ralentit les rêves, fragilise la confiance en soi, réduit les chances d’apprendre, pousse à quitter l’école tôt, entraîne parfois des unions jeunes ou une situation financière fragile. (ONG Plan International France)
Pour Sarah (et bien d’autres dans son cas) choisir devient une vraie galère : entre étudier ou rester debout, souvent, on lâche prise sur le respect de soi.
Quand des femmes inventent leurs idées seules…
Mais on peut espérer. Partout, des femmes et des groupes s’activent, poussés par une même envie de justice. Leur but ? Que chacun vive debout, sans avoir à supplier. Un peu partout sur la planète :
- Distribution de serviettes ou bien de culottes pour les règles qui peuvent servir plusieurs fois. (Groupe Akpeleau)
- Bâtir ou rénover des toilettes isolées, sécurisées et nettes dans les écoles. (UNICEF)
- Éduquer les filles, informer aussi sur leurs règles, leur corps, afin de détruire les idées fausses, parler santé sans honte. (ONG Plan International France)
Grâce à ces actions, davantage de jeunes filles, telles que Sarah, retournent à l’école petit à petit. Puisqu’elles reprennent espoir, elles redécouvrent un but, une vie stable, du respect.
En résumé, avoir une serviette en main, c’est comme tenir une chance de changer demain
Ce matin, Sarah se réveillerait autrement, serviette près d’elle, un coin tranquille, des infos sous la main. Du coup, elle attraperait son sac, couperait par le sentier sec jusqu’à l’école, s’installerait, griffonnerait ses idées, imaginerait sa vie.
Le manque d’hygiène pendant les règles ne passe pas inaperçu. Ce n’est guère qu’une affaire féminine. En réalité, c’est un frein dans la vie quotidienne, une faille dans l’équité.
Permettre à toute jeune fille (prenons le cas de Sarah) de rester au collège malgré ses saignements, ça va bien au-delà du confort. C’est une nécessité basique.
Parce que former une jeune fille permet de construire l’avenir d’un village entier.
Rédigé par : Irène AMEDJI
Cet article a été rédigé dans le cadre de la bourse WanaData qui s’inscrit dans le cadre d’une initiative conjointe impliquant Code for Africa, le Partenariat européen pour la démocratie (EPD), AfricTivistes, CFI Media Development, the World Scout Bureau Africa Regional Office et la Fondation Kofi Annan (KAF), avec le soutien de l‘Institut néerlandais pour la démocratie multipartite (NIMD).

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