En janvier 2025, 18,8 millions de personnes ont accès à Internet, dont 5,75 millions d’utilisateurs actifs d’Internet.
WhatsApp, Facebook et TikTok sont devenus les principaux canaux d’information, y compris sur la santé. Dans ce contexte, la désinformation sur la santé sexuelle et reproductive (SSR) ne relève plus de l’anecdote : elle pèse directement sur les indicateurs de santé publique et engendre des conséquences non négligeables.
Contexte alarmant
Au niveau national, l’enquête Performance Monitoring for Action (PMA) 2023-2024 montre une stagnation, voire une régression dans certaines régions, du taux d’utilisation de la contraception moderne chez les adolescentes. Le Burkina Faso enregistre une baisse de 4 % du taux de prévalence contraceptive.
En 2021, près de 20 % des femmes en âge de procréer (âgées de 15 à 49 ans) en Afrique subsaharienne souhaitaient arrêter ou retarder leur grossesse, mais n’utilisaient pas de méthodes de contraception modernes telles que les préservatifs féminins et masculins, les implants, les injectables ou les pilules.
Les fausses informations sont une réalité alarmante
La désinformation sur la contraception au Burkina Faso tourne souvent autour des craintes de stérilité, de risques pour la santé et de stigmatisation culturelle ou religieuse, contribuant à une faible adoption des méthodes modernes.
Les messages les plus virulents, tels que les théories du complot affirmant que des organisations étrangères stérilisent secrètement les femmes africaines via des vaccins ou des produits pharmaceutiques, apparaissent sur des plateformes comme X (anciennement Twitter), avec certains post atteignant des milliers de vues et des centaines de likes, amplifiant la méfiance.
Bien que certains messages promeuvent des stéréotypes néfastes blâmant les femmes pour les grossesses non désirées, les efforts communautaires et les politiques nationales visent à améliorer l’accès et l’éducation, soulignant la nécessité d’informations équilibrées pour aborder les deux côtés du débat.
Des exemples de messages et zoom sur les secrets de femme
On observe des rumeurs affirmant que les contraceptifs modernes causent une infertilité permanente ou des maladies graves comme le cancer. D’autres messages dépeignent la contraception comme promouvant l’infidélité ou violant les valeurs traditionnelles, souvent exprimées dans des débats radio ou en ligne. Les théories du complot allèguent des programmes de stérilisation secrets par des entités comme l’UNICEF, l’OMS ou la Fondation Bill & Melinda Gates, les liant à des vaccins ou des projets génétiquement modifiés au Burkina Faso. Ces récits exploitent les sentiments anti-occidentaux, suggérant des agendas de contrôle démographique.
Portée et diffusion sur les réseaux sociaux
Sur X, les posts virulents peuvent atteindre un engagement significatif. Un post affirmant que les compagnies pharmaceutiques stérilisent secrètement les femmes africaines, avec le Burkina créant sa propre industrie pharmaceutique en réponse, a reçu 1 392 likes, 216 reposts et plus de 53 000 vues.
Source : publication d’un internaute sur X
Sur Facebook, des groupes de femmes diffusent des astuces pour agrémenter la sexualité dans le couple en proposant des solutions appelées secret de femme, comme le stipule cette publication ci-dessous.

Cette publication enregistre plus de 100 commentaires et plusieurs vues.
Un autre, alléguant un programme de stérilisation secret via des vaccins contre le tétanos, appelant à suspendre les projets financés par Gates, a obtenu 279 likes et 132 reposts.

On retrouve aussi des fake news sur le VIH : “Les États-Unis annoncent la création du premier vaccin contre le VIH, nommé Yeztugo, avec une efficacité de 100 %”, auteur : NFA, structure : “un vaccin a été officiellement trouvé contre le SIDA”, auteur : Docteur Souare.
Cette information a été démentie par Fasocheck.
Tout cela n’est pas sans conséquence !
On enregistre des conséquences directes sur la santé sexuelle et reproductive :
- Hausse des IST et du VIH : le manque d’éducation sexuelle correcte à cause de la désinformation peut entraîner des comportements à risque et augmenter la propagation des IST, y compris le VIH.
- Grossesses précoces et non désirées : les informations erronées sur la contraception et la sexualité dissuadent de l’utilisation des méthodes contraceptives, ce qui augmente le risque de grossesses non désirées chez les jeunes filles.
- Avortements à risque et complications : la peur ou la méconnaissance des services de santé peut amener les personnes à recourir à des avortements non sécurisés, entraînant des complications graves, voire mortelles.
- Complications liées à la grossesse : le manque d’accès aux soins de santé, notamment obstétricaux, dû à la désinformation, peut entraîner des complications lors de la grossesse et de l’accouchement.
- La désinformation contribue à la stigmatisation des IST, des personnes vivant avec le VIH et des méthodes de contraception, ce qui peut décourager les individus de chercher de l’aide.
- Le manque de confiance dans les informations en ligne peut entraîner une peur des services de santé, poussant les gens à éviter les consultations, même lorsqu’ils en ont besoin.
- La désinformation peut semer le doute sur la qualité et l’honnêteté des prestataires de soins, créant une méfiance qui rend difficile l’accès aux services de santé.
Des réponses significatives mais encore timides
Des ONG comme Marie Stopes International, l’association Billi Now Now forment désormais des « ambassadeurs numériques » : jeunes formés pour repérer et contrer la désinformation dans leurs groupes WhatsApp.
La désinformation en ligne n’est plus un bruit de fond
Elle est devenue un déterminant majeur de santé publique au Burkina Faso. Quand une vidéo TikTok de 30 secondes a plus d’impact qu’une campagne nationale de plusieurs millions de FCFA, il est urgent de repenser la communication sanitaire à l’ère numérique.
Tant que les algorithmes de WhatsApp et Facebook continueront de privilégier l’émotion à la véracité, et tant que l’éducation numérique restera marginale dans les programmes scolaires, l’ombre numérique continuera de peser sur les corps des femmes et des jeunes Burkinabè.
Sources
L’impact d’une campagne médiatique de planification familiale au Burkina Faso | API
L’impact d’une campagne médiatique de planification familiale au Burkina Faso | API
Rédaction: Balkiss Ouedraogo
Cette publication WanaData a été soutenue par Code for Africa et la Digital Democracy Initiative dans le cadre du projet Digitalise Youth, financé par le Partenariat Européen pour la Démocratie (EPD).


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